Dans le sillage d’Amazon - qui a annoncé la fin du 100% télétravail en 2023 - les entreprises françaises se mettent à leur tour à demander à exiger le retour au bureau. Chez Ubisoft, les salarié·es se sont mis en grève du 15 au 17 octobre dernier, pour protester contre la décision de la direction de les faire revenir trois jours en présentiel alors que le 100% télétravail était la norme depuis des années.
Quelques mois avant Ubisoft d’autres entreprises, dont AXA et Publicis, ont décrété la fin du 100% télétravail au prétexte qu’il engendrerait des baisses de productivité ou empêcherait la créativité des équipes, sans jamais établir de façon factuelle ces affirmations.
Sans consultation des salarié·es, les décisions unilatérales côté management de revenir au 100% télétravail vont déséquilibrer l’équilibre vie professionnelle - vie personnelle de salarié·es, et in fine leurs conditions de travail.
Encore plus grave, elles laissent sur le bord du chemin les salarié·es qui - grâce au télétravail - se sont éloignés de leurs lieux de travail pour pouvoir réaliser leurs projets et se rapprocher de la nature, loin de centres urbains congestionnés et réservés aux plus riches. Au point que dans certaines entreprises, il s’agit quasiment de plans sociaux qui ne disent pas leur nom.
25 à 35% d’économies d’énergie
Ces décisions unilatérales balaient aussi d'un revers de la main les potentiels gains environnementaux du télétravail. Dans une étude publiée en mars 2024, l’Ademe a estimé que le télétravail en hiver - couplé avec une fermeture totale des bureaux une journée par semaine - permettrait de réaliser de 25 à 35% d’économies d’énergie par télétravailleur et par jour. En équivalent CO2, cela représente 30 à 45% d’émissions de CO2 en moins par télétravailleur et par jour.
En zone urbaine, “sans fermeture de site, l’impact de l’absence d’une partie des travailleurs sur site sur les consommations de gaz et d’électricité (chauffage, ordinateurs, éclairage…) est faible” juge l’Ademe dans son étude.
Dérives du flex office et accords collectifs
Fermer les bureaux un jour par semaine nécessite une concertation avec les salarié·es, afin de respecter les impératifs et les besoins de chacun·e. Pour ça, les politiques de télétravail doivent être négociées dans le cadre d’accords collectifs. Ces accords déterminent si le site est compatible avec une mise en sommeil un jour ou plus par semaine et définissent un protocole de fermeture technique du site.
La sobriété ne doit pas devenir le prétexte à des coupes budgétaires sur le dos des salarié·es. Au nom de la “performance énergétique”, de “l’attractivité des métiers”, certaines entreprises réduisent leur parc de bureaux, prévoient moins de places qu’il n’y a de salarié·es et imposent le flex office pour compenser.
Sous couvert d’écologie, ces politiques de flex office génèrent beaucoup de mal-être au travail : nuisances sonores, conflits, perturbation des tâches de travail, impacts sanitaires du partage de matériel…
Définir une période balisée de fermeture des bureaux - associée à du télétravail - est aussi une façon d’encadrer la pratique du flex office, potentiellement source de dégradation des conditions de travail.
Ecologisons le travail!
Depuis la pandémie de Covid-19, les signatures d’accords collectifs relatifs au télétravail ont explosé : 4070 en 2021 contre 1490 en 2019 selon les chiffres de la Dares qui indique également que 22% de l'ensemble de la population active a eu recours au télétravail en moyenne au moins une fois par semaine.
Ces accords ont le mérite d’exister et sont bien plus protecteurs que les chartes de télétravail, que l’employeur peut modifier à sa guise. Malheureusement, la plupart des textes se contentent de préciser les jours de télétravail possibles, sans réelle réorganisation écologique du travail, avec fermeture des bureaux.