Pour une planification écologique de l’emploi et de la formation 

Pour une planification écologique de l’emploi et de la formation 

Que vont devenir les salarié·es de l'industrie automobile après 2035, quand les voitures thermiques seront interdites à la vente en Europe? Quel avenir pour les travailleurs de la plasturgie alors que les emballages à usage unique, les paillettes et des microbilles de plastique ne peuvent plus être commercialisés? Dans les décennies à venir, la transition écologique va nécessiter de fermer les secteurs les plus polluants et de créer des centaines de milliers d'emplois dans l'agriculture, la rénovation énergétique, la production d’énergies renouvelables, la construction bois, l'industrie du cycle…

 

Emplois verts et emplois verdissants

Ces emplois appelés “directement verts” représentent aujourd’hui seulement 0,5% de la population active, soit 141.000 personnes selon l’Insee, principalement dans les domaines de la gestion de l’eau, des déchets, et de l’entretien des espaces naturels. Pour mener à bien la transition écologique des entreprises, une planification de l’emploi et de la formation est indispensable pour consolider ces secteurs et développer les filières des énergies renouvelables, de la construction durable ou des mobilités douces.

A côté de cette économie verte, on retrouve 3,8 millions d’actifs qui occupent des métiers “potentiellement verdissants”, c’est-à-dire dont les compétences doivent évoluer pour prendre en compte les enjeux environnementaux. Ici, tous les secteurs économiques sont concernés : direction des achats qui vont devoir mettre au point des sourcings plus durables, designers qui doivent intégrer la durabilité des produits dans les cahiers des charges, services informatiques qui doivent limiter les consommations d’énergie… L’écologisation du travail dans le secteur tertiaire va nécessiter de nouvelles pratiques professionnelles, de nouvelles compétences et de nouvelles organisations collectives.

 

Des dispositifs existent déjà dans les entreprises 

Pour les élu·es CSE, il existe un premier outil de négociation permettant d’anticiper les évolutions des métiers et des compétences au regard de la transition écologique : le plan de gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (GPEPPMM). Dans les entreprises d’au moins 300 salarié·es, cette négociation est obligatoire tous les trois ans. Pour celles de moins de 250 salarié·es, l’Etat octroie une aide financière à l’élaboration de ce plan sur la base du volontariat, avec l’aide d’un conseil extérieur à l’entreprise.

L’Etat peut également venir en aide aux entreprises en mutation, qu’il s’agisse d’effectuer une bascule industrielle ou une transition écologique. Via le dispositif Transco (transformations collectives) - co-construit entre le patronat et les partenaires sociaux -  la puissance publique peut prendre en charge la rémunération des salariés et le coût des formations sur une durée de 24 mois. Créé en janvier 2021, Transco est encore très peu utilisé. En un an, seuls  84 salariés franciliens en ont bénéficié, sur les 5,3 millions d’actifs que compte la région parisienne. A nous, organisations syndicales, de se saisir de ce dispositif bâtir un véritable droit à la reconversion écologique.

Au niveau individuel, le compte personnel de formation (CPF) constitue un outil intéressant pour accompagner les reconversions individuelles vers des métiers plus “verts” au sein des entreprises. Ce dispositif doit intégrer davantage de briques écologiques dans son offre de formation, pourquoi pas en s’appuyant sur la nomenclature de l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte (Onemev), qui a identifié environ 80 métiers essentiels à la transition des entreprises, dans tous les secteurs d’activités, de la maintenance à la construction bois en passant par la direction des achats.

 

Ecologisation de l'emploi : Les branches professionnelles pas assez mobilisées

Hormis les secteurs économiques directement impactés par l’évolution des législations environnementales et ceux dont l’activité est directement connectée aux problématiques écologiques, la plupart des branches professionnelles ne s’interrogent pas suffisamment sur la transformation des organisations de travail et l’écologisation des compétences en interne. 

Les Opco, opérateurs de compétences dédiés à la  des branches professionnelles, s’emparent peu à peu du sujet. On peut citer ici les contrats de professionnalisation expérimentaux dédiés aux métiers de la transformation écologique mis en place par l’Opco Atlas (métiers des services financiers et du conseil). L’OPCO de la Cohésion sociale, qui couvre 53 935 entreprises du secteur de l’ESS a réalisé en 2022 un baromètre des besoins en formation qui intègre l’enjeu écologique autour de quatre briques: “Cœur d’activité”, “Éco-gestes et sensibilisation”, “Conformité réglementation et norme”, et “Stratégie entreprise”. Des formations spécifiques devraient être élaborées dans la foulée. Malgré ces initiatives positives au niveau des branches, une véritable offre de formation verte reste à construire.

“L’analyse des études réalisées et des actions cofinancées dans le cadre des EDEC (Engagements de Développement des Emplois et des Compétences signés entre le ministère du travail et les branches professionnelles) montrent que les démarches engagées dans ce cadre concernent plus fréquemment la transition numérique que la transition écologique”, écrit à ce sujet Liza Baghioni, sociologue du travail au Céreq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications)

Le cas des branches professionnelles du BTP illustre bien l’inaction générale. “Pour la majorité des acteurs du bâtiment, l’offre de formation existante, particulièrement le permet de répondre aux enjeux réglementaires et normatifs”, constate Aline Valette, ingénieure de recherche à l’Observatoires de branches. Pourtant en première ligne de la transition écologique, les constructeurs ne s’intéressent que très peu à l’écologisation des compétences autour de la rénovation énergétique ou de l’utilisation de matériaux bio-sourcés.

 

Le Printemps écologique expérimente une caisse sociale
de la bifurcation écologique

Pour relever le défi de la planification verte des emplois, le Printemps écologique s’associe avec le collectif Pour un réveil écologique, l’Institut Rousseau, le Réseau Salariat, le Réseau Action Climat et les Shifters de Marseille afin d’expérimenter un projet de Sécurité sociale de la redirection écologique.

Tout est encore à inventer mais l'idée est là: créer un système de cotisations, calqué sur notre assurance-maladie ou chômage, pour financer la bifurcation des emplois. Un tel système assurantiel pourrait permettre aux personnes en reconversion de financer leurs formations, et aux entreprises des secteurs échoués (automobile, pétrochimie, stations de ski...) de faire basculer leurs modèles d'affaires.

Cette expérimentation de Sécurité sociale de la redirection écologique se déroulera en deux temps. En prenant appui sur le plan de transformation de l'économie française du Shift project, des étudiant·es de l'université de Montpellier vont conduire des entretiens avec des salarié·es de secteurs polluants pour déterminer les freins et les facilitateurs à la bifurcation écologique (niveaux de salaire, conscience écologique, dissonances cognitives...). Une fois les données collectées, les étudiant· es du master Strategy & Design for the Anthropocene de l'ESC business school de Clermont-Ferrand lanceront une réflexion autour du financement d'un dispositif local de sécurité sociale de la redirection écologique.

Dans l’histoire syndicale, cette idée d’un fonds financier dédié à la reconversion écologique des emplois n’est pas nouvelle. Elle naît aux Etats-Unis dans les années 1970, lors de la grève des salariés des raffineries Shell pour l’environnement et la santé au travail. Tony Mazzocchi, du syndicat Oil, Chemical and Atomic Workers Union (OCAW) avance alors l’idée que les revendications écologiques ne sont pas antagonistes des revendications écologistes. Pour l’OCAW, si l’Etat peut imposer aux entreprises de débloquer des fonds pour réparer les dégâts environnementaux causés par leurs activités, alors les entreprises peuvent aussi cotiser pour limiter les dégâts sociaux causés par le démantèlement des secteurs les plus polluants.

 

Sans action syndicale, l'écologie fonce dans le mur de la casse sociale!

 

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